L’économie de partage s’étend à l’aviation

L’arrivée prochaine en terres genevoises de Stellar Labs, une société californienne clamant être pour l’aviation d’affaires ce qu’Airbnb est à l’hôtellerie, illustre une nouvelle fois l’intérêt commercial croissant que représentent ces vols privés sans passagers, mais surtout de la pénétration définitive de l’économie de partage dans toutes les couches de la société, même les plus prestigieuses. Depuis quelques années, ils sont en effet nombreux à s’être laissé séduire par le potentiel des vols à vide propres à l’aviation d’affaires dont le nombre est estimé en moyenne à un vol sur trois, voire jusqu’à un trajet sur deux suivant les statistiques disponibles. Dans son communiqué, Stellar Labs parle donc déjà de «révolutionner le marché suisse et évoque l’ajout de millions d’euros supplémentaires pour ce marché». Des prévisions bien ambitieuses… Surtout au vu de la concurrence apparue avant eux ces dernières années et la désillusion vécue par certains dans ce segment particulier de l’aviation.
Pas aussi prometteurs
L’un de ses précurseurs, la société genevoise LunaJets, a par exemple vite identifié que les vols à vide n’étaient de loin pas aussi prometteurs que prévu. Une fois l’entreprise lancée en 2008, son fondateur et actuel CEO, Eymeric Segard, a en effet perçu tous les inconvénients propres à concentrer son modèle d’affaires sur ce trend. «Ces vols étaient trop mal situés géographiquement ou pas suffisamment souples en termes d’horaires pour satisfaire une clientèle, certes à l’affût d’une bonne affaire, mais tout aussi exigeante que celle plus classique propre à l’aviation privée», raconte le patron. Paradoxalement, ce dernier assure qu’il aurait fallu encore plus de vols à vide pour que le modèle de reventes sur Internet, tel qu’il l’avait imaginé au départ, fonctionne.
Economie de partage
Si LunaJets essaie quand même de remplir avant tout un vol sans passager, la société et ses 19 employés se sont finalement tournés vers un modèle d’affaires plus classique d’affrètement à la demande, mais toujours orienté vers les meilleurs prix possibles. «Du luxe à taux préférentiel ou à moindre coût», selon Eymeric Segard qui parle de vols dont la fourchette s’établit entre 4000 et 100 000 dollars (somme similaire, en francs).
La dernière crise économique majeure, commencée en 2008, aura en tout cas permis au «low cost» et à l’économie de partage de percer dans l’aviation d’affaires. «La mauvaise conjoncture et la recherche de solutions alternatives par certains propriétaires pour mieux rentabiliser leur jet nous ont très certainement été bénéfiques pour percer et atteindre les 2000 vols en 2015 et les 30 millions de francs de chiffre d’affaires», explique le patron de LunaJets.
Ce créneau des vols privés bon marché est également à l’origine d’une nouvelle compagnie aérienne, comme la française Wijet. A l’époque de son lancement en 2009, Corentin Denoeud, président et cofondateur de l’entreprise, assurait aux Echos qu’avec son modèle économique, il allait rendre «l’accès à un jet aussi facile qu’un taxi». Partenaire d’Air France depuis 2014, Wijet a bouclé la boucle en lançant il y a deux ans sa filiale dédiée aux vols à vide: Cojetage.
Autre tendance qui monte en puissance depuis plusieurs années, le Jet Sharing ou plutôt le Time Sharing pour avions privés. Le principe se résume assez facilement, puisqu’il s’agit d’acheter un avion à plusieurs et d’en partager le temps d’exploitation. Chez Netjets par exemple – compagnie américaine rachetée à la fin du siècle dernier par Warren Buffett et spécialisée depuis dans la propriété partagée de jets privés – l’acquisition de 10% des parts d’un avion vous en assure l’exploitation sur une durée de trente jours par an.